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Par Modotre le 18 Décembre 2011 à 19:58
8 DÉCEMBRE - IMMACULÉE CONCEPTION
J'aime l'avant-départ en pays déjà vu lorsqu'à fleur de mon âme et sur corde sensible, ma mémoire par cœur interprète pour moi la ballade où mes pieds ont déjà gambadé. Tour à tour exaltante aussi bien que revêche, d'abord elle aquarêve à mes yeux l'émotion d'indicibles miracles empreints de souvenances
tels l'horizon tendu
sur la ligne immuable
et verte de la mer,
soulignant tout le bleu
d'un Paradis sans ventou bien alors imprime à mon cœur dilaté
des rimes empruntées
aux rameaux enneigés
des arbres de l'Avent,
gouachant mille poèmes
sur la cendre du Ciel
aux jours glacés d'hiver.Puis s'inscrit le point d'orgue, et mes visions s'estompent au profond des mystères où je ne voudrais pas forcément m'égarer. Pèlerin de l'Avent, j'ai connu ces états avant de m'élancer en chemin vers Noël. Partagé que j'étais entre intense émotion d'étoile ou de bougie et insécurité d'un passage obligé, j'ai joué mon va-tout, le temps de dire :
... "Hop ! En route ! On verra bien !"Et ça y'est ! La voilà... cette fenêtre huit à mon calendrier !
Si je l'ouvre y verrai-je, à gauche auréolée, une femme et à droite, un ange lui souffler : "Je te salue, Marie !"
Si oui, ce sera faux ! Parce que l'Annonciation remonte au vingt-cinq mars, alors que ce matin est jour "Immaculée... Conception" pour tout dire !Plus haut je faisais part de mes appréhensions. Et c'est vrai que placé face à certains prodiges aussi impressionnants que cette Conception (divine, immaculée), on ne peut que... se taire. Eperdument. Et croire.
Croire comme une enfant qui n'y comprendrait rien mais qui nous convaincrait, par sa franche candeur
que tout vocabulaire en saints mots transcendé,
tous les alexandrins aux rimes épurées
et tout le pieux parler de la théologie
bref ! tout savant discours ne serait que verbiage
et bla-bla superflu !Reste pourtant "l'après" de cette Conception sans tache et... sans mari. Or, là où le miracle invitait au silence, ici la plume a droit d'écrire à la folie !
Car, pour une folie du côté de Marie, c'en était une énorme, en ces temps légalistes où pleuvaient les cailloux au moindre dérapage ! Accepter l'Enfant-Dieu en ses vierges entrailles, c'était, conséquemment, allumer le feu vert au grand bombardement de la lapidation, double-crime assassin contre lequel - hélas ! - aucune association n'aurait pu se dresser pour protéger la Vie.
Traînée hors de la ville à la "hue !", à la "dia !", c'eut été, pour ses juges, à qui aurait l'honneur de lui jeter, bigot, la premières des pierres d'un verdict établi... selon la Sainte Loi du Grand Dieu Tout-Puissant !Comme à chaque oasis en Terre d'Evangile - quoique dans ce chapitre on devrait dire : impasse - vierges et pastoureaux ignorent le final.
Pour moi qui ai relu l'heureux dénouement, je sais que son fiancé, Joseph, le charpentier, fut invité à prendre, et sans perdre de temps, Marie pour épouse.
Ouf ! Pas de lapidation. Pèlerin rassuré, je puis suivre en chantant mon chemin vers l'Etable...... à moins que je ne croise, entre rue et fontaine, croulant sous ses paquets craquant de toutes parts, une graine de femme à deux mois d'être mère.
Elle aussi en sera à "l'après conception" et - hormis quelques "couacs" - sans ombre de mari.
Elle aura l'air buté de ces grandes gamines n'en faisant qu'à leur tête, et que trop tôt l'on jette - comme brebis galeuse - hors du cercle sacré d'une pieuse famille... allant chaque dimanche à l'église (il le faut !).
Connaissant son histoire, alors je lui dirai :
"Pose là tes cornets ! Je te les porterai !"... mais je saurai très bien que son trop lourd fardeau n'aura, mais rien à voir ! avec le poids des sacs et de l'enfant à naître.
Sur son coeur, dans sa tête et tombant comme grêle à chaque carrefour, jugements, médisances au total pèseront, bien plus que les cailloux d'une lapidation.Dès lors, éperdument, ma plume, à la folie, écrira... écrira :
"Avancez-vous entre les saules
dans le sable pailleté d'argent,
sans bruit, comme un pêcheur
en retenant votre haleine :
n'effrayez pas les âmes !"
Alain Fournier
De grâce ne maudissez pas
Les frêles brebis égarées
Loin de tous les "alléluias"
Boursouflant vos gorges sacrées !
Ne dressez plus votre bûcher
Sous le couvert d'une morale
Les forçant à s'agenouiller
Devant un faux dieu cannibale
Mais bien plutôt, silencieux,
Une à une arrachez les ronces
Qui lacéraient leurs dos laineux
Et, méprisant toutes semonces,
Dessinez-leur un Paradis
Au-delà des mortelles flammes
Dantesques de votre jadis.
Surtout : n'effrayez pas les âmes !
Marie-Claude Pellerin
Sculpture : Valérie Stoll
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