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    Envoûté qu'il était
    Par la mouvante aura
    D'un astre artificiel,
    Il en avait perdu
    Jusqu'à l'ordre du temps,
    Jusqu'à l'ordre des roses
    Écloses à la bonne heure.

    Pour lui, hormis l'Amour,
    Rien ne comptait vraiment.
    Jadis et quelques fois
    Il l'avait exhibé,
    Son coeur neuf et immense.
    Mais c'était en hiver,
    Fatalement... toujours.
    Ou bien curieusement,
    Même au gai du printemps,
    Le sien laissait de glace
    Les autres coeurs en fleurs.

    Las de le trimbaler,
    Son coeur-épouvantail,
    Aux coins froids de sa vie,
    Il le planta un soir
    Dans le champ lumineux
    D'un lanterneau magique
    Dont le reflet peignait
    - Hasard ou maléfice ? -
    Un papillon Vulcain
    Aux ailes vermillon.

    Tandis qu'il savourait
    L'instant d'avant demain
    Où ses jours ne seraient
    Plus jamais des hivers,
    L'explosion magistrale
    De son coeur surchauffé
    De caresses brûlantes,
    Travestit sa quiétude
    En horreur infernale :

    Foetus inachevés
    D'amours non consommées...
    Bourgeons embryonnaires
    De joies tôt avortées...
    Tendresses amputées
    D'indomptables élans...
    Mots tronqués à leur base
    D'interdites syllabes...
    Tout ! fut catapulté
    Sous la violence extrême
    D'une éclosion précoce.

    Charriant dans son flux
    Ces passions mutilées,
    Une lave aigre-douce
    - Mi-sève mi-venin -
    Sulfatait son visage
    De giclures acides,
    Avant que de couler
    En filets symétriques
    Juste à fleur de sa peau,
    Brossant d'un coup de maître
    Un arc-en-chair étrange,
    Orangé d'une part
    Et calciné de l'autre.

    Tâtonnant d'une main
    - Puisque l'autre il l'avait,
       Pare-éclats de fortune
       Agrippée à ses yeux -
    Il cherchait pour s'enfuir
    Le chemin le plus court
    Dont aucun fil d'Ariane
    N'indiquait le parcours.

    La suite... on la devine !
    À quoi bon la narrer ?

    S'il est mort étouffé
    Le nez sous les lambeaux
    De sa vaine chimère,
    C'est qu'à l'instant précis
    Où il allait franchir
    Le seuil de ce charnier,
    Son pied droite... un peu gauche...
    Sur la rouge épluchure
    De son coeur déchiré
                    a
    - Ultime maladresse ! -
    Dérapé forcément...

    ... Mais ! Ne larmoyez pas ! ...

    Un de ces soirs sans lune,
    Fantôme exorcisé
    Il viendra jusqu'à vous :
    À reculons, bien sûr !
    Car, s'il n'a plus bon coeur,
    Il a toujours bon dos...

    ... Et dès lors vous pourrez
        N'aimer que son verso ! ...

    Marie-Claude Pellerin

     

     


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