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    L'AVENT :

    ... pour nous quatre semaines
        pour eux, mille huit cents ans...
        à compter d'Abraham

    mais ! qu'importe le temps puisqu'éternellement se joue - et jouera - la presque même histoire entre un Dieu Fou d'Amour et... l'humanité folle !
    Mille huit cents ans pour eux : quel temps. Et quelle chance ! Plus de six cent mille aubes (ou presque sept cent mille) afin d'apprivoiser un Dieu Fou Amoureux...

    ... alors que pour nous autres
       à peine trente jours !

    Eux - entendons par là les petits, comme nous - ne connaissaient leur Dieu qu'au travers du Grand Prêtre et des Maîtres de Loi. Citoyens d'un Etat théocratique ( en diable !) ils récitaient par coeur les dix Commandements, divins et applicables... et par tête ânonnaient les arrêts draconiens d'une Torah rigide, aggravée, en passant, d'hommeries inhumaines !
    Créé pour le sabbat (!) par exemple devait, en ce jour sacro-saint, être puni quiconque oeuvrait à envoyer, en Bon Samaritain, le moindre brin de corde à son voisin tombé au fond d'une citerne. Défendu par Moïse au sabbat de sauver un ânon de la mort, pourquoi ne pas étendre - au Nom du Dieu Puissant ! - l'interdit vis-à-vis d'un enfant ? D'un bonhomme ? Après tout pour chuter dans un puits... 'faut être âne !!

    Mille huit cents ans de Dieu,
    Mille deux cents ans de Loi...

    et presque autant de cris, de plainte et de colère où Yahvé apostrophe, appelle et s'époumone en des fulminations maudissant avant tout les bergers du troupeau qui, grâce aux "Saints Rajouts" gravés à Son insu aux Tables de Moïse, empêchent Ses brebis de sauter, confiantes à Son cou paternel, défiguré qu'on L'a sous les traits d'un jadis Pharaon écrasant.

    Mille deux cents ans pour Dieu,
    C'était trop de patience !

    Comme un amant meurtri des infidélités d'une épouse chérie, Il décide soudain d'arracher le moulage emplâtrant Son Visage à Son Coeur défendant. Pharaon Il n'est pas. Juste un Roi. Mais... quel Roi !

    ... Sans carrosse Il parcourt, au sein chaud de Sa mère, le chemin de
        l'Avent sur le dos d'un ânon.
        Sans château, sans hôtel réservé pour Lui Seul, Il voit (de nuit) le
        jour, au rugueux d'une étable.
        Sans cour d'hommes puissants, le seul droit qu'Il S'accorde est de
        faire Sa cour aux hommes (ainsi qu'aux femmes) de bonne volonté...
    ...  aux petits, comme nous,
        depuis deux fois mille ans
        chaque année, à Noël !

    Et voilà que ce Dieu tout-à-coup si petit, si démuni, si tendre... voilà que pour nos têtes, Il est presque... trop pauvre !

    ... C'est vraiment dérangeant d'avouer qu'Il a froid ! Ajoutons au ta-
        bleau le boeuf et l'âne gris ! Dieu Puissant ne  doit pas grelotter
        sous nos yeux.    

    ... Et puis, il fait sinistre en cette sombre étable ! Eclairons alentour :
        allumons des bougies pour notre Roi de Gloire !
    ... Oui mais, sous leur clarté, voyez combien les murs sont sales et se
        lézardent ! Masquons le décrépi derrière... un beau sapin !
    ... Tout prend meilleure allure et pourtant il y manque : un brin de
        faste-éclat, dû aux Grands Souverains. Accrochons tout argent
        de brillantes guirlandes aux branches du sapin, et suspendons,
        dorées, des boules incrustées de paillettes en strass, tranfigu-
        rant, clinquantes, la paille sans reflet de la médiocre crèche.

    ... "Ô Dieu !
       Après deux fois mille ans
       De Crèche à la Noël,

    comme autant de sourires aux petits - donc... à nous ! - puissions-nous cette année accepter que l'Enfant n'a de Toute Puissance... qu'en Son dénuement, seul apte à inverser le courant d'une Histoire où la raison d'Etat Vous empharaonait.
    Donnez à nos regards d'être assez courageux pour oser s'abaisser à ras la paille fraîche, où Vous nous invitez à Vous apprivoiser.
    Et surtout... gardez-nous de sans fin les lever vers le Mont Sinaï d'où, indignes de Vous, nous attendrions, esclaves, que tombent dans nos mains... les miettes d'une table où sans nous mangeriez...

    Amen. Ainsi soit-il.

    Marie-Claude Pellerin 


     


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